1-Cameroun: La prison de Ngambe trop délabrée pour accueillir de nouveaux détenus.
L’administration de la prison secondaire de Ngambe hésite à accueillir de nouveaux pensionnaires. Les mauvaises conditions de détention y sont contraires aux textes des Nations Unies. « Ici, il y a de l’espace et de la tranquillité. Nous ne sommes pas étouffés comme à la prison principale d’Edéa mais les conditions de vie restent très difficiles. On dort sur des planches non couvertes. Il faut se trouver un morceau de matelas ou de natte pour y mettre dessus avant de dormir. Ce n’est pas facile si tu n’as pas de soutien ». La vingtaine sonnée, Mahira Florent, visage clair, est déçu. Condamné à quatre ans d’emprisonnement ferme à la prison principale d’Edéa pour « vol de voitures », le jeune homme a obtenu son transfert à la prison secondaire de Ngambe dans l’espoir d’y retrouver de meilleures conditions de détention. Hélas, il a trouvé une cellule au toit fissuré, sans lit ni de lumière suffisante. Une situation qui explique que la prison de Ngambe n’abrite que vingt trois pensionnaires alors que sa capacité d’accueil est de cent cinquante.
Toits troués
Comme ses codétenus, Ngando Sébastien doit aussi supporter l’humidité dans sa cellule. Le soleil, comme celui qui brille en cette matinée de mai 2012, limite les dégâts. « Les tôles du toit sont vieilles et toutes trouées. Quand il pleut, l’eau rentre dans la cellule. Nous profitons du peu de soleil qui passe par la petite fenêtre pour chasser la moisissure qui s’attaque à nos vêtements », raconte ce détenu qui aime cuisiner pour ses compagnons.
Construite dans les années cinquante, la prison secondaire de Ngambe accueille les détenus adultes condamnés à de courtes peines, en provenance des prisons d’Edéa et de Douala. Outre le souci de décongestionner ces grands pénitenciers, ce statut de prison secondaire permet de pallier le manque de juridiction dans cette localité rurale. « Ngambe ne dispose pas d’un tribunal. S’il faut fonctionner comme une prison normale, les transfèrements des prévenus vers la juridiction la plus proche à Edéa vont coûter extrêmement cher à l’Etat », explique l’intendant principal des prisons Mofa Godwin, régisseur de la prison de Ngambe.
L’Etat interpellé
Le mauvais état des cellules ne l’incite donc pas à accueillir plus de pensionnaires. « Il faut réfectionner les bâtiments vétustes. Quand il pleut, ça coule partout. Nous avons plusieurs fois tenté de boucher les trous des tôles mais la situation ne change pas. Nous ne pouvons pas accueillir plus de détenus dans ces conditions », prévient le régisseur. D’autant plus que l’administration de la prison a de la peine à assurer la prise en charge médicale et alimentaire de ses pensionnaires.
Ces mauvaises conditions nuisent aussi à la capacité des prisonniers à travailler. « Tous les jours, on dort sur les planches. Le matin, certains détenus ne peuvent pas aller en corvée parce que le corps fait mal. On est obligé de supporter, c’est la prison », explique un prisonnier. Pour résoudre ces problèmes, les détenus qui, pour la plupart, ne reçoivent pas de visites de leurs proches, se tournent vers l’administration qui, à son tour, lance sans cesse des appels en direction de l’Etat.
Textes non respectés
Qu’elles soient centrales, principales ou secondaires, les prisons du Cameroun sont toutes dans un état lamentable. Une situation qui courrouce les défenseurs des droits de l’Homme. « Le préambule de la constitution stipule que la dignité de toute personne, y compris le détenu, doit être respectée en toute circonstance. Il existe également des conventions internationales ratifiées qui s’imposent à l’ordonnancement juridique camerounais. Ces textes ne sont pas respectés. Dans le cas spécifique de la prison de Ngambe, on peut se rendre compte que ces minima ne sont pas respectés parce que les détenus n’ont pas un logement décent », indique Me Ngue Bong Simon Pierre, avocat au barreau du Cameroun. Il conclut : « Il faut une volonté politique réelle pour assainir la gestion de la chose publique c’est-à-dire s’assurer que les crédits alloués à ces prisons pour leur fonctionnement leur parviennent effectivement et qu’on tienne compte des difficultés propres aux prisons. Il ne s’agit pas de faire des prisons une priorité mais de leur accorder un peu plus d’attention ».
Ne serait-ce que pour respecter les recommandations des Nations Unies qui précisent : « Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la surface minimum, l’éclairage, le chauffage et la ventilation « .
1-CAMEROUN:PRISON DE DOUALA ET DE NGAMBE:LE CALVAIRE DES DETENUS.
A la prison de Douala on les appelle « pingouins ». Faute d’argent pour payer leur place, ces prisonniers dorment à la belle étoile. En violation flagrante des conditions de détention. Exposés aux intempéries, ils tombent souvent malades. Et à la prison de Ngambe.
Assis près de la porte de l’infirmerie de la prison centrale de Douala, dos contre le mur et genoux ramenés vers le buste, un jeune détenu s’efforce en vain de se protéger des rayons du soleil qui progresse rapidement vers le zénith. Il est vêtu d’un tricot et d’une culotte défraîchis et en lambeaux. « C’est un pingouin. Il n’a pas bien dormi dans la nuit et c’est maintenant qu’il tente de récupérer son sommeil », explique Yombi, un autre détenu.
Dans le jargon pénitencier camerounais, le mot « pingouin » (1) désigne un détenu incapable de s’offrir le minimum pour sa survie quotidienne. A la prison de New-Bell, les « pingouins » sont nombreux. Certains sont contraints de passer la nuit à la belle étoile, dans un endroit de la cour intérieure de la prison baptisé « Billes de bois » où les détenus font du commerce pendant la journée. Le soir, ces démunis y étalent leurs couchettes à même le sol et dorment jusqu’au lever du jour. D’autres se couchent dans les toilettes, sur des étoffes déployées sur le pot du Wc.
Une prison du Cameroun.
Les bandits rôdent
Il y a aussi la « corvée lézard » qui désigne ceux qui dorment, le dos appuyé contre le mur. Selon un gardien, la plupart des détenus soumis à cette corvée ont les pieds enflés à cause des longues heures passées debout. En saison pluvieuse, les eaux de ruissellement érodent leurs plantes de pieds.
« Lors d’une fouille à la prison, on a retrouvé un « pingouin » emballé dans une couchette de fortune fait de plastique. Il ronflait en plein jour près de la poubelle », témoigne un autre gardien. Les pingouins sont également exposés aux maladies de la peau. La gale, notamment, fait des ravages. La peau d’Elvis est couverte de croûtes. Ce détenu séropositif de 24 ans garde un douloureux souvenir des nuits à la belle étoile. « En août 2011 lors de sa dernière visite, ma mère m’avait donné 10.000 FCfa. J’avais acheté des bâtons de manioc et des arachides grillées que je vendais pour survivre. Trois mois après, des bandits sont venus me fouiller dans la nuit pendant que je dormais et m’ont volé ma recette et ma marchandise », se souvient-il, amer.
Services payants dans les cellules
Dans la plupart des cellules, l’accès aux toilettes et à la douche est payant. « Tous les lundis, chaque détenu paye 100 F pour la caisse télévision, 50 F pour la caisse maladie et 50 F pour la caisse câble. On paie 100 F pour l’entretien des toilettes et 50 F pour l’entretien de la douche. Le chef de cellule, lui aussi détenu, nous explique que cet argent sert à assurer l’hygiène », dénonce Elvis. Ces frais sont perçus par les ‘‘autorités’’ des cellules (le chef de cellule, dénommé le ‘‘Premier ministre’’ ou le chef de cellule adjoint, le ‘‘Commandant’’, et le chef du service d’hygiène le ‘Commissaire’’).
Les détenus n’ayant pas payé ces frais sont expulsés par ces ‘‘autorités’’. Depuis huit mois, Elvis a été chassé de la cellule n°5. « A un moment je ne parvenais plus à payer les frais. Les chefs n’ont pas compris mon problème et m’ont mis dehors », affirme-t-il. En saison des pluies, les cellules sont saturées, beaucoup de détenus cherchant à y retourner. Face à la forte demande, les ‘‘autorités’’ se montrent alors encore plus exigeantes, selon Yombi. Les prisonniers, qui ne sont pas en règle, sont priés d’aller se faire voir ailleurs.
Pas assez d’espace
Pour la présidente de l’Action pour l’épanouissement des femmes, des démunis et des jeunes détenus (Afjd), Eliane Meubeukui, les détenus dorment en plein air, « pas forcément parce qu’ils n’ont pas d’argent, mais parce que l’espace manque« . Conçue pour abriter 850 détenus, la prison de New-Bell en accueille aujourd’hui environ 3500. Les règles minima de traitement des détenus des Nations unies recommandent pourtant des cellules ou des chambres individuelles pour au plus deux personnes. Le régisseur de la prison de New-Bell, Dieudonné Engonga Mintsang, reconnaît que certains détenus sont obligés de dormir en plein air.
Théodore Tchopa
(1) Le régisseur de la prison précise que le mot « pingouin » n’est pas reconnu dans le langage officiel de la prison. Ce sont les démunis eux-mêmes qui se font appeler ainsi.
3- Cameroun, des prisons à la Kondengui Yaoundé.
Ceux qui connaissent de l’intérieur les prisons du Cameroun en donnent des descriptions à faire dresser les cheveux sur la tête. Le mot « enfer » [1] revient comme un refrain, difficile à entonner pour le profane.
Pas facile de pénétrer dans ces « mouroirs de la République » [2] , sorte de boîtes noires du régime Biya. C’est donc devant les portes du pénitencier de Kondengui que nous attend Jérémie. Gardien de prison depuis plus de vingt ans, il s’y connaît en geôles camerounaises. Il accepte, à condition qu’on taise son nom, de nous expliquer « le problème ».
En guise d’introduction, Jérémie nous montre le camion stationné devant la lourde porte. Un camion à bestiaux, dans lequel on charge une foule de prévenus qu’on emmène au Parquet. « C’est notre seul camion, commente-t-il. C’est avec ça qu’on fait tout : transport du bois, évacuation des cadavres, transfert des prisonniers. Du coup, on passe notre temps à l’attendre. On l’attend au tribunal quand il est à la morgue… et à la morgue quand il est au tribunal ! ».
C’est précisément en immobilisant le camion – et en bloquant ainsi le tribunal à quelques heures de l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénal camerounais – que les gardiens de prison ont lancé leur grève, le 28 décembre dernier, en dépit d’un statut qui leur dénie théoriquement ce droit [3].
« Il faut bien trouver le moyen de se faire entendre » [4], se sont justifiés les protestataires, qui réclament en vain, depuis des années, l’harmonisation de leur traitement avec celui des autres hommes en tenues (militaires, policiers, etc.).
Leurs pénibles conditions financières poussent les gardiens à se lancer dans des trafics en tout genre avec les détenus. « Il faut bien vivre », constate Jérémie. L’autre façon de grappiller quelques billets, florissante depuis que Paul Biya a décidé de « lutter contre la corruption », consiste à faire le larbin auprès des hiérarques embastillés. Lesquels attendent leur comparution dans leurs cellules VIP, en continuant à faire impunément fructifier leurs avoirs par correspondance…
Chiffres
d’après Hippolyte Sando, Derrière les murs, l’enfer : l’univers carcéral en question, Catholic Relief Service, Août 2005 :
Le Cameroun compte 73 prisons : 10 prisons centrales, 40 prisons principales, 23 prisons secondaires
Ces prisons hébergent plus de 20.000 détenus pour une capacité de 6.707 places, soit une surpopulation carcérale de 77%.
Personnel d’encadrement : 3.049 personnes (chiffre de 2003)
En août 2000, les prisons camerounaises comptaient 1124 détenus étrangers (souvent de pays limitrophes), soit 6%
Les prévenus représentent entre la moitié et les trois quarts de la population carcérale. 85,52% des personnes incarcérées à la prison centrale de Yaoundé (mars 2002) et 71,34% des personnes incarcérées à la prison centrale de Douala (juillet 2005) étaient en détention préventive.
Car tout le monde n’est pas logé à la même enseigne à la prison de Kondengui, loin s’en faut. Il y a ce qu’on appelle les « quartiers résidentiels » où dorment confortablement les bandits à cols blancs [5], et les « quartiers populaires » où l’on entasse les miséreux à quarante par cellule. Coincés entre l’arrogance des « détourneurs de deniers publics » et les menaces de ceux qui croupissent avec les rats et les cafards, les gardiens sous-payés n’en peuvent plus.
Mais les autorités camerounaises font la sourde oreille, comme à l’habitude.
Prétextant de l’illégalité de la grève, « la faute la plus grave que puisse commettre un homme en tenue », le ministre de la Justice, Amadou Ali, a préféré envoyer la troupe, le 2 janvier, pour mater les matons. Une virile bastonnade, en guise de dialogue social, dont les détenus des « quartiers populaires » ont profité pour mettre le pénitencier à feu et à sang, et rafler quelques produits prohibés (deux détenus sont morts après avoir vidé quelques fioles alcoolisées à l’infirmerie). Cette flambée de violence, qui s’est rapidement répandue à travers le pays, s’est soldée par une purge sévère : seize directeurs de prisons ont été remplacés et une centaine de gardiens suspendus [6].
4- Cameroun l’enfer des prisons.
Vétustes et surpeuplées, les prisons au Cameroun sont un « enfer », disent certains, où de multiples tentatives d’évasions et des incendies dramatiques enregistrés récemment, font craindre le pire.
La prison de New Bell, l’établissement pénitentiaire du grand port de Douala, la capitale économique du pays dans le sud, a enregistré en juin la mort de seize prisonniers lors d’une tentative d’évasion, tandis que neuf sont morts dans l’incendie d’un des quartiers fin août, probablement allumé par des détenus.
« Ce qui s’y passe dépasse tout ce qu’on peut imaginer« , estime Madeleine Afité, de l’ONG Action des chrétiens contre la torture (Acat).
Erigée en 1935 et délabrée à l’instar de nombreux autres établissements, elle compte plus de 3.500 prisonniers pour une capacité d’accueil de 800 détenus.
Dans celle de Kondengui à Yaoundé, où s’entassent plus de 4.000 détenus pour une capacité de mille pensionnaires selon la gendarmerie, une fouille a permis en août de découvrir 230 couteaux, 77 tournevis, des scies à métaux, des barres de fer etc…
Les autorités pénitentiaires sont conscientes de la situation difficile et estiment qu’il faudrait « désengorger » dans les grandes villes les prisons les plus encombrées.
Mais elles constatent que « les crédits sont insuffisants » pour ce secteur. Ces mêmes responsables se heurtent également à l’insuffisance des crédits pour la nourriture. Les crédits, souligne l’administration pénitentiaire, « sont bien maigres après l’augmentation des prix des denrées alimentaires » intervenue ces derniers mois au Cameroun, comme dans d’autres pays africains.
Le ministre de la Justice Amadou Ali expliquait récemment qu’une des raisons du maintien de détenus dans les grandes villes étaient dû au fait qu’ils étaient ainsi proches de leurs familles qui pouvait leur apporter la nourriture.
Admettant que la situation est « explosive », les autorités ont engagé, avec l’aide de l’Union européenne (UE), un « projet de modernisation des prisons et de préparation à la réinsertion sociale des détenus ».
D’une durée de trois ans, ce plan a pour objectif de construire six nouvelles prisons de 300 places chacune et la réhabilitation de 22 autres établissements.
Il cherche aussi à développer des programmes de formation dans le secteur de l’élevage, de l’artisanat et des métiers du bois afin de faciliter la réinsertion des prisonniers, dont certains disent que ceux qui sortent actuellement sont « encore plus criminels qu’en y entrant ».
parole dans ce pays ! C’est la dictature ou… ». Comme s’il avait parlé trop vite, ou trop fort, Jérémie s’interrompt brusquement. Car depuis quinze jours, depuis la purge, ce sont les gendarmes qui montent la garde à Kondengui. Et surveillent d’un même œil les détenus échaudés et les gardiens rescapés des foudres ministérielles.
« Tout ça est assez regrettable, conclut Jérémie, placide. Le bas-peuple n’a jamais la
5-Cameroon A day at Buea prison.
6- CAMEROUN:SCANDALE: PAS DE LITS DANS LES PRISONS DE YABASSI ET D’EDEA.
La plupart des détenus des prisons principales de Yabassi et d’Edéa dorment sur des cartons, des planches ou des nattes. Faute de lits et de matelas, et en violation flagrantes des règles minima de détention.
Bientôt trente minutes qu’il s’étire dans tous les sens comme si ses articulations étaient rouillées. Du haut de son 1m80, Boteng Motassi, torse nu, se frotte inlassablement les paupières recouvertes de chassie pour tenter de repousser le sommeil, tandis que certains de ses codétenus s’agitent et crient dans la cour de la prison principale de Yabassi. Après une journée de corvée, la nuit de Boteng a été courte. « Je dors avec un autre prisonnier sur un morceau de carton. Il faut se retourner plusieurs fois parce que quand on dort sur un même côté pendant longtemps, le corps fait mal. Je n’avais pas assez de force pour faire ces mouvements, donc je n’ai pas vraiment dormi« , explique le détenu.
A l’interieur d’une Prison Camerounaise.
Sur des étagères
Incarcéré à la prison principale d’Edéa, Hamidou préfèrerait des cartons aux planches, disposées en étagères, sur lesquelles il est contraint de dormir. Dans ce pénitencier, femmes, adultes, mineurs passent tous la nuit sur les planches. « Certains les couvrent avec des nattes ou de vieux matelas pour avoir moins mal. J’aurais aimé posséder seulement quelques cartons mais il faut tout acheter », indique, impuissant, Hamidou.
A la prison principale de Yabassi comme à celle d’Edéa, le constat est le même. En l’absence de lits et de matériels de couchage appropriés, la plupart des détenus dorment sur des planches, des morceaux de carton ou des nattes. Selon Ngalani Romuald, le régisseur, ces matériels sont donnés par des âmes de bonne volonté. « En 2007, une association féminine nous a fait un don de matelas. Seulement, ils sont tous aplatis. Mais, nous continuons de les utiliser faute de mieux. Pour le reste, ce sont les détenus ou leurs familles qui apportent des nattes et des morceaux de carton », dévoile le régisseur.
Mal de dos
A l’exception des femmes et des personnes âgées qui disposent d’un lit dans leur cellule, ces mauvaises conditions de couchage touchent environ cent des cent quinze détenus de cette prison. Au fil du temps, elles mettent leur santé en péril. « Je ne peux plus aller en corvée parce que j’ai un mal de dos qui ne me quitte plus. Je prends de temps à autre des antibiotiques pour le combattre sans succès », raconte un prisonnier.
Après avoir dormi pendant plusieurs années sur les planches, Nitti Marceline, 17 ans, traîne des bobos qui l’inquiètent. « Tout le temps, on se réveille avec les muscles endoloris. On dit souvent au chef mais on ne nous donne rien. C’est un prêtre qui nous apporte des médicaments. Même si on se soigne, on sera toujours malade parce qu’on va revenir dormir au même endroit« , s’inquiète la jeune pensionnaire de la prison principale d’Edéa.
« Traitements inhumains »
Les détenus ne sont pas les seuls à décrier leurs conditions de couchage déplorables. Les défenseurs des droits de l’Homme y voient un calvaire inacceptable. « Ce sont des cas de traitements inhumains et dégradants interdits par les conventions internationales et les lois nationales notamment la constitution qui, en son préambule, dit que toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale ; elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité ; en aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants« , indique Maître Sterling Minou, avocat au Barreau du Cameroun.
Conscientes de la gravité de la situation, les deux administrations pénitentiaires incriminées ont, à leur tour, perdu le sommeil. Elles relancent régulièrement l’Etat pour demander que chaque détenu dispose d’un lit individuel et d’une literie individuelle suffisante, entretenue convenablement et renouvelée de façon à en assurer la propreté, comme le conseillent les Nations Unies.
Christian Locka (JADE)
Les articles sont produits avec l’aide financière de l’Union Européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de JADE Cameroun et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’union Européenne.
7- Cameroun – 100 détenus dans 12 mètres carrés
La prison centrale de Douala, la capitale économique du Cameroun, a été construite pour accueillir 600 personnes. Depuis plusieurs années, elle connaît des problèmes de surpopulation au point d’abriter aujourd’hui pas moins de 2.500 détenus pour seulement 27 cellules. Un reportage du quotidien Le Jour indique que 100 détenus se partagent une cellule de moins de 12 mètres carrés. Jean-Pierre, l’un d’entre eux, témoigne:
«Certains choisissent de dormir à la belle étoile, pour fuir la chaleur des cellules ou le manque d’espace qui oblige à dormir assis.»
En effet, la nuit tombée, Jean-Pierre et de nombreux autres pensionnaires de la prison située dans le quartier populaire de New-Bell à Douala se réunissent dans la grande cour de la maison d’arrêt, qui se transforme alors en vaste dortoir. Pour échapper à la chaleur étouffante, aux conditions insalubres et à la promiscuité dans les cellules, les prisonniers se collent les uns aux autres sur un matelas, sous un drap ou à même le sol, et tentent d’éviter les piqûres de moustiques:
«La nuit, pour nous, est semblable à un cauchemar. Notre plus grand souhait est de voir le jour se lever. Quand arrive la pluie, chacun joue des coudes pour trouver un abri dans une cellule ou devant les bureaux. Les moins chanceux restent dehors», confie un groupe de détenus.
Le Jour promène également ses lecteurs à la prison de Mbanga, située à une soixantaine de kilomètres au nord de Douala. Là aussi, c’est le même scénario. Prévu pour 150 personnes, le pénitencier en accueille le double. Les cellules peuvent contenir jusqu’à 80 personnes. Et les détenus sont souvent victimes de nombreuses arnaques, fait savoir le quotidien, qui rapporte le témoignage d’un chef de cellule s’exprimant sous couvert d’’anonymat:
«Lorsqu’un nouveau arrive, on lui octroie une cellule en fonction du montant qu’il paie aux autorités de la prison. Les prix des cellules varient entre 25.000 et 205.000 francs CFA [entre 38 et 312 euros, ndlr].»
Les conditions de détention dans les prisons camerounaises violent les recommandations des Nations unies qui exigent la séparation entre les prévenus en attente d’un jugement et les personnes condamnées. Ce texte adopté en 1955 recommande aussi que la nuit, les cellules ne soient occupées que par une seule personne et que les conditions élémentaires d’hygiène soient garanties aux détenus.
«On voudrait bien respecter ces dispositions, mais les infrastructures d’accueil et les moyens font défaut dans toutes les prisons du pays», justifie un administrateur des prisons.
En plus de l’insalubrité des prisons camerounaises, l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a souligné dans un rapport publié en mai 2011 des cas de tortures dont seraient victimes de nombreux détenus:
«Les prisons et autres lieux de détention au Cameroun sont surpeuplés et les conditions sont telles que la vie des détenus y est souvent menacée», fait savoir l’ONG.
L’agence de presse camerounaise CamNews24, qui revient sur ce rapport, évoque aussi un constat des Etats-Unis sur la situation des droits de l’homme au Cameroun. Selon un rapport publié en avril 2011, la torture serait généralisée dans les prisons. Il cite le cas de celle de New Bell à Douala, où des gardiens infligeraient des sévices corporels aux prisonniers, qui sont parfois fouettés ou enchaînés dans leur cellule.
Prisons. A Douala et Mbanga, de nombreux détenus dorment dehors.
La nuit tombée, la grande cour de la prison centrale de Douala se transforme en un refuge. Collés les uns aux autres sur un matelas, sous un drap ou sur le sol nu, des détenus y passent la nuit, en s’efforçant d’être insensibles aux piqûres de moustiques. « Certains choisissent de dormir à la belle étoile, pour fuir la chaleur des cellules ou le manque d’espace qui oblige à dormir assis, explique Jean-Pierre qui appartient à cette catégorie. D’autres dorment dans le froid simplement parce qu’ils n’ont pas pu avoir une place à l’intérieur. »
Construite pour 600 personnes, cette prison compte plus de 2500 détenus pour 27 cellules. Dans les « cellules spéciales », les nantis ne sont pas plus d’une trentaine. Ceux qui s’entassent dans les cellules ordinaires partagent moins de douze mètres carrés pour une centaine de personnes. Les cellules sont heureusement aérées par une fenêtre. Les mineurs et les femmes sont enfermés dans des quartiers séparés.
« La nuit, pour nous, est semblable à un cauchemar, confie un détenu. Notre plus grand souhait est de voir le jour se lever », Un autre explique : «Quand arrive la pluie, chacun joue des coudes pour trouver un abri dans une cellule ou devant les bureaux. Les moins chanceux restent dehors. »
Une véritable arnaque
La prison de Mbanga, à soixante kilomètres de Douala, est, elle aussi, surpeuplée. Construit pour 150 personnes, ce pénitencier en accueille le double. On y dort sur le sol nu ou sur de matelas sales. Les cellules contiennent jusqu’à 80 personnes. De 17h à 7h du matin, les détenus, certains mineurs, d’autres très âgés, doivent partager le peu d’air que laissent filtrer deux trous d’aération.
Injustice supplémentaire, les détenus sont victimes de véritables arnaques. « Lorsqu’un nouveau arrive, on lui octroie une cellule en fonction du montant qu’il paie aux autorités de la prison. Les prix des cellules varient entre 25.000 et 205.000 Fcfa », explique anonymement un chef de cellule de New-bell. Autant dire que les pauvres n’y ont pas accès. « Cela est peut-être imposé par l’administration des cellules, mais pas par celle de la prison », conteste François Cheota, chef de service des activités culturelles, sociales et éducatives à la prison de New-bell.
A Mbanga, seuls les pensionnaires de la cellule spéciale paient une somme de 10 000 Fcfa à l’entrée. « Cet argent nous aide dans l’entretien des détenus, à l’achat des ampoules ou des cadenas, en cas de besoin », précise Eyong Simon, son régisseur.
Les règles bafouées
Les conditions de détention dans les prisons camerounaises violent les règles adoptées par les Nations unies en 1955. Ce texte recommande la séparation entre les prévenus en attente d’un jugement et les personnes condamnées, entre les jeunes et les adultes. La nuit, les cellules ne devraient être occupées que par un seul détenu. L’éclairage, l’aération, la surface devraient obéir aux exigences élémentaires d’hygiène.
« On voudrait bien respecter ces dispositions, mais les infrastructures d’accueil et les moyens font défaut dans toutes les prisons du pays », justifie un administrateur des prisons, sous anonymat. « Le problème ajoute François Cheota, vient aussi des lenteurs judiciaires, De nombreux détenus sont des prévenus ».
Blaise Djouokep et Charles Nforgang (Jade)
Les articles sont produits avec l’aide financière de l’Union Européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de JADE Cameroun et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’union Européenne.
8-Cameroun: les cas de torture persistent en prison.
Le rapport sur le Cameroun du rapport d’Amnesty International indique que le milieu carcéral ne respecte pas toujours les règles minimales de détention.
Les cas de torture persistent, malgré les efforts du gouvernement. “Les prisons et autres lieux de détention au Cameroun étaient surpeuplés et les conditions étaient telles que la vie des détenus y était souvent menacée”. Tel est le constat d’Amnesty International dans son rapport 2011 sur la situation des droits humains dans le monde en 2010, publié le 13 mai dernier. Ce mouvement mondial regroupant plus de trois millions de sympathisants, membres et militants qui se mobilisent pour le respect et la protection des droits humains universellement reconnus, relève que “dans bien des cas, les prisonniers ne recevaient ni soins médicaux, ni nourriture ou étaient mal soignés et sous-alimentés.
Les incidents et les tentatives d’évasion étaient fréquents et plusieurs détenus ont été tués en essayant de s’évader”. L’Ong note que la prison de Nkondengui, construite pour 700 détenus en accueillait 3852 jusqu’en août dernier, et qu’il n’y avait pas assez de nourriture, de l’eau et des médicaments pour les détenus. “Dans une des ailes de l’établissement baptisée «le Kosovo», les prisonniers n’avaient pas assez de place pour dormir allongés, a constaté cette organisation lors de son passage dans cette prison.
Une autre aile hébergeait des détenus souffrant de troubles mentaux; ils ne bénéficiaient d’aucun suivi psychiatrique”. La prison de New-Bell à Douala, conçue pour 700 personnes, en comptait plus de 2 453. “Nombre d’entre eux, bien que dans l’attente de leur jugement, partageaient leur cellule avec des condamnés”. Le rapport constate le port des chaînes par certains détenus dans d’autres prisons du pays, et affirme que “Des détenus sont morts à la prison de Maroua en raison de la chaleur caniculaire qui y régnait; d’autres sont décédés du choléra à la prison de N’Gaoundéré”. Amnesty International déplore le niveau de formation des surveillants pénitentiaires, leur nombre insuffisant compte tenu des effectifs carcéraux, et juge leurs équipements de travail médiocres et inadéquats.
Plus alarmant, le rapport des Etats-Unis sur les droits de l’homme au Cameroun publié en avril 2011 annonce que d’après de nombreuses organisations de défense des droits humains, la torture serait généralisée dans les prisons. Il cite le cas de la prison de prison de New Bell à Douala, où des gardiens de prison infligeraient des sévices corporels aux prisonniers qui sont parfois fouettés ou enchaînés dans leurs cellules. “En mai 2009, des officiels de certains pays étrangers en visite dans cette prison avaient trouvé des détenus accusés de violence et d’indiscipline enchaînés dans des minuscules cellules après avoir été battus et privés de nourriture par les gardiens de prison”, indique le rapport.
Le document américain pointe un doigt accusateur sur les forces de maintien de l’ordre qui rançonneraient les personnes gardées à vue, les enfermeraient dans des cellules où ils n’ont pas accès aux toilettes, et se livreraient à la torture pour obtenir des informations concernant des criminels présumés. “Dans le même registre, des Ongs locales ont signalé des cas de viols chez les détenus”.
Face à ce sombre tableau, le gouvernement avance divers arguments pour prouver sa bonne foi à faire évoluer la situation. Pour la première fois, les délégués d’Amnesty International arrivés au Cameroun en août ont été reçus par des responsables gouvernementaux. Le Programme d’amélioration des conditions de détention et respect des droits de l’homme (Pacdet), financé par l’Union européenne, vise à réduire les dysfonctionnements et les abus liés à la détention.
Le code de procédure pénale entré en vigueur début 2007 cherche à promouvoir le droit à un procès équitable, le respect de la présomption d’innocence, etc. Le rapport du Cameroun présenté au conseil des Droits de l’homme à Genève en 2009 cite des fonctionnaires de police, de la gendarmerie de l’administration pénitentiaire et des magistrats traduits devant les tribunaux ou révoqués pour violation des Droits de l’homme. L’Etat a également créé de nouvelles juridictions, augmenté le nombre de salles d’audience et le nombre de magistrats et greffiers. Une goutte d’eau dans un océan de besoins.
Source : Mutations. Le Jour, CamNews24.slateafrique.com, Jade